Les festins poétiques

Entretien avec Colette Gibelin

Entretien avec Colette Gibelin, poète du Var, sur le sacré et la création artistique.

Conçu et réalisé par Amaury Forgeot

Recueils de poèmes :

– Sinon chanter (Les Amis de la Poésie) 2002
– Ce n’est que vivre (La Bartavelle) 2002
– Le jour viendra, la nuit aussi (Encres Vives) 2006
– Un si long parcours (L’Harmattan) 2007
– Par delà toute la nuit (Telo Martius) 2009
– Dans le doute et la ferveur (Encres vives) 2012
– Sans fin sera la quête (Sac à mots) 2016
… et pleins d’autres…

Musique : Extrait du film « Le Facteur »

Compte-rendu des Festins poétiques 9

Invité d’honneur : David Belmondo
Animatrice : Andréine Bel
Nombre de participants : 18

Cette 9e édition des Festins poétiques a invité David Belmondo, poète et homme de théâtre, amoureux et passeur de mots.

1 – LA RENCONTRE

Conventions de transcription :

– Les * indiquent le nombre de fois qu’un poème a été lu à voix haute.
– Sont transcrits les poèmes qui ont au moins 1 *.
– Les poèmes élus ont au moins deux **.
– La partie lue par les participants apparaît en gras lorsqu’elle est extraite d’un poème plus long.

Nous avons élu 8 poèmes parmi les 15 lus à voix haute et les 24 contemplés.

*****
Étrange, quand le monde change
Et l’hiver c’est le temps,
Quand nous marchons dans l’obscurité
Et la solitude nous sépare de tout.

Personne n’est sage qui ne connaît la patience.
Tout a besoin de silence, a besoin de temps,
Besoin de confiance dans le calme du monde
Et la croissance de tout moment obscur.

Source :

Seltsam, wenn die Welt sich verwandelt
Und Winter sich über die Zeit stellt,
Wenn wir im Dunkel wandern
Und Einsamkeit uns von allem trennt.

Keiner ist weise, der nicht die Geduld kennt.
Alles braucht Stille, braucht Zeit,
Braucht Vertrauen in das Leise der Welt,
In das Wachstum jeder dunklen Zeit.

Monika Minder (trad. Bernard Bel)
Poème inspiré de „Im Nebel“ (Hermann Hesse)

****
Pour seul étendard
je veux ta main,
l’univers dans ton regard.

Catherine Mourmaux

***
Au midi vide qui dort
combien de fois elle passe,
sans laisser à la terrasse
le moindre soupçon d’un corps.

Mais si la nature la sent,
l’habitude de l’invisible
rend une clarté terrible
à son doux contour apparent.

Rainer Maria Rilke, La déesse

***
Chose curieuse
je vois un gotoku de pierre –
la rosée d’une glycine tombe goutte à goutte

Kikaku, haïjin disciple de Bashô

**

En toutes ces choses non écloses il ose
Ouvrir la dimension le volume de vie
Nous vivons du monde la surface la prose
Intensément pourtant règne la poésie

Richard Borneman

**
Les bateaux en bouteille
sentent encore la mer,
le vent et le soleil
dans leur étrave de bouchon

Gérard le Gouic

**
Parce que l’amour est tout ce qu’on espère
Où que l’on en soit de son long chemin de vie,
Unis à nous-même, mais cherchant « celle ou celui »
Rivage d’un oubli de soi, dans lequel on se perd.

À chaque pas posé, ce rêve semble plus proche.
Ni trop loin ni trop près, juste à notre portée.
Tombé à nos pieds parfois, mais il se décroche,
Habile à nous tromper dans la hâte d’aimer.

Oserait-on le suivre dans ses plus grands méandres,
Nouant le drame d’un Pelléas et Mélisande ?
Y aurait-il une issue autre que fatale
Ni bien, ni mal, juste simple, sans trop de dédales ?

Ici la chance nous sourira peut-être enfin.
Cachée sous nos claviers, elle calmera la faim
Où nous entraîne ce manque… vers un amour serein.

Linda Corbelli (acrostiche)

**

Une feuille rêvant au vallon de la main,
les lignes enlacées se jouant du chagrin.
Deux mains, un destin.
Deux feuilles, un jardin.

Françoise Sayour

* + * + *
Qu’est-ce qui frappe ?

Le soleil dans les eaux
le bois dans les oiseaux
Le chien dans le fusil
Le rouge dans la gorge
La langue au bout du chat.

Qu’est-ce qui frappe ?

La lune ombre le loup
La porte claque le vent
L’œil de beuf rend la vache
La crème tarte la victime
La sciure rance tout risque

Qu’est-ce qui frappe ?

L’impôt oh opposition
La cruche vide sa bedaine
L
e trou ronge le plein
L
e vide remplit les mains
La
haine coule dans les reins

Qu’est-ce qui frappe ?

Bernard Pedrotti

*
CLYTEMNESTRE

Vous ne démentez point une race funeste.
Oui, vous êtes le sang d’Atrée et de Thyeste

Bourreau de votre fille, il ne vous reste enfin
Que d’en faire à sa mère un horrible festin.

Barbare ! c’est donc là cet heureux sacrifice
Que vos soins préparaient avec tant d’artifice.
Quoi l’horreur de souscrire à cet ordre inhumain
N’a pas en le traçant arrêté votre main ?

Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ?
Pensez-vous par des pleurs prouver votre tendresse ?
Où sont-ils ces combats que vous avez rendus ?
Quels flots de sang pour elle avez-vous répandus ?

Quel débris parle ici de votre résistance ?
Quel champ couvert de morts me condamne au silence ?
Voilà par quels témoins il fallait me prouver,
Cruel, que votre amour a voulu la sauver.

Oracle fatal ordonne qu’elle expire.
Un Oracle dit-il tout ce qu’il semble dire ?
Le Ciel, le juste ciel par le meurtre honoré
Du sang de l’innocence est-il donc altéré ?

Si du crime d’Hélène on punit sa famille,
Faites chercher à Sparte Hermione sa fille.
Laissez à Ménélas racheter d’un tel prix
Sa coupable moitié, dont il est trop épris.

Mais vous, quelles fureurs vous rendent sa victime ?
Pourquoi vous imposer la peine de son crime ?
Pourquoi moi-même enfin me déchirant le flanc,
Payer sa folle amour du plus pur de mon sang ?

Que dis-je ? Cet objet de tant de jalousie,
Cette Hélène, qui trouble et l’Europe, et l’Asie,
Vous semble-t-elle un prix digne de vos exploits ?
Combien nos fronts pour elle ont-ils rougi de fois ?

Avant qu’un nœud fatal l’unît à votre frère,
Thésée avait osé l’enlever à son père.
Vous savez, et Calchas mille fois vous l’a dit,
Qu’un hymen clandestin mit ce prince en son lit,
Que sa mère a cachée au reste de la Grèce.

Mais non, l’amour d’un frère, et son honneur blessé
Sont les moindres des soins, dont vous êtes pressé.
Cette soif de régner, que rien ne peut éteindre,
L’orgueil de voir vingt rois vous servir et vous craindre,
Tous les droits de l’empire en vos mains confiés,
Cruel, c’est à ces Dieux que vous sacrifiez.

Et loin de repousser le coup qu’on vous prépare,
Vous voulez vous en faire un mérite barbare.
Trop jaloux d’un pouvoir qu’on peut vous envier,
De votre propre sang vous courez le payer,
Et voulez par ce prix épouvanter l’audace
De quiconque vous peut disputer votre place.
Est-ce donc être père ? Ah ! toute ma raison
Cède à la cruauté de cette trahison.

Un prêtre environné d’une foule cruelle,
Portera sur ma fille une main criminelle ?
Déchirera son sein ? Et d’un œil curieux
Dans son cœur palpitant consultera les Dieux ?

Et moi, qui l’amenai triomphante, adorée,
Je m’en retournerai, seule, et désespérée !
Je verrai les chemins encor tout parfumés
Des fleurs, dont sous ses pas on les avait semés !

Non, je ne l’aurai point amenée au supplice,
Ou vous ferez aux Grecs un double sacrifice.
Ni crainte, ni respect ne m’en peut détacher.
De mes bras tout sanglants il faudra l’arracher.

Aussi barbare époux qu’impitoyable père,
Venez, si vous l’osez, la ravir à sa mère.
Et vous, rentrez, ma fille, et du moins à mes lois
Obéissez encor pour la dernière fois.

Racine, Iphigénie

*
Le temps m’a pris d’écrire
Agrippé aux chevilles
Dans la spirale vertigineuse du présent.

Bernard Bel

*
[…]

Mon ombre enfin sort des limites
Mon ombre enfin sort de son gîte
Et va où son désir l’invite.

Mon ombre se confond avec la nuit
Avec le charbon et la suie
Et fume parce que je vis.

Mon ombre envahit la moitié du monde
Et flotte avec les vents et les ondes
Avec les fleuves et la mer gronde.

[…]

Robert Desnos, Domaine public

*
Dimanche lourd couvercle sur le bouillonnement du sang.

Christian Tzara (1925-1942, période Dada)

*
Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.

De ce blanc flamboiement l’immuable accalmie
T’a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l’antique désert et les palmiers heureux ! »

Mais la chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.

Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s’il sait donner au cœur que tu frappas
L’insensibilité de l’azur et des pierres.

Mallarmé, Tristesse d’été

*
(Source) In atemloser Spannung und der sicheren Absicht
Den besten Moment der Szene zu erwischen
Mit der Ruhe sich der Weihe zu ergießen.
Im Rausch eine Biene den Pollen abschöpft.
Eine Wolke von Blütenstaub, gezuckert und violett
Umgibt die meisterliche Schauspielerin meines Traumes.
Mein kreatives Auge bewegt sich in anderen Planeten
Und bestätigt mir das vergangene Paradies von Eva.

Avec le souffle coupé et la ferme intention
de saisir la meilleure séquence de la scène
La patience aboutit à la consécration.
Dans l’ivresse d’une abeille écrémant le pollen
un nuage de pollen sucré et violet
entoure la magistrale actrice de mon rêve.
Mon œil créatif se déplace sur d’autres planètes
Et
me confirme le paradis perdu d’Eve.

Ines Thodes-Sonntag (auteur et traductrice)

2 – LE PARTAGE

David Belmondo nous a emmenés vers la poésie du quotidien, celle où se niche la métaphysique de l’existence, ses révoltes et questionnements. Il nous a lu des poèmes de Richard Borneman et Simon Ferandou, puis les siens. Le verbe était haut, les sonorités rythmées en swing ou punching ball, rap et jazz jamais loin, derrière la ligne d’horizon.

Le son intégral de son intervention :

3 – LA DEGUSTATION

 

Des vins de toutes les couleurs, salades et tapenades exquises, tarte de pommes et cake…

QUELQUES POINTS

– Lors de notre tour de présentation, nous avons réalisé qu’il y avait autour de la table : une éducatrice/conteuse/organisatrice/lectrice, une conceptrice de fête culturelle grande lectrice, une photographe-sculptrice/peintre/écrivaine, une plasticienne/musicienne qui réintroduit l’écriture dans son travail, un musicologue expérimental qui passe son temps à traduire une langue qu’il ne sait pas parler, une conteuse marionnettiste qui écrit pour parler, un prof de français qui défend la poésie contre vents et marées, sciences et religions, un lecteur passionné de poésie en quête d’ouverture et qui fabrique du vin ce qui ne gache rien, un conteur/performeur de spectacle vivant qui met le couvert dans les centres de vacances pour gagner sa vie, un habitant d’enclave africaine varoise amoureux de la poésie du quotidien qui redonne vie aux mots/théâtreux depuis presque toujours en pleine folie maritime culturelle, une organisatrice événementielle/blogueuse littéraire/amatrice de poésie, une gérante de cinéma privé amoureuse de littérature, poésie, chant et musique, une danseuse qui dansait pour ne pas avoir à parler mais s’y est mis enfin, une voyageuse écrivaine/écrivaine voyageuse de carnets intimes, puis sont arrivés deux théâtreux artisans de spectacles qui allient verbe et musique, textes et rythmes, et enfin deux amies qui se sont faites petites souris mais sont grandes lectrices et écrivaines en herbe.

– Un poème court, cela demande du souffle quand il est long…

– Il est d’usage pendant les festins poétiques de ne mettre sur la table que des poèmes courts, dits en un souffle ou deux. Lorsqu’ un poème long a été apporté, le premier lecteur qui le lit a pour consigne de cocher le passage qui lui semble être un poème à lui seul. Les autres lecteurs le découvrent et éventuellement ne recopient que cet extrait. Mais pour le poème de Bernard Pedrotti, chacune des trois strophes a séduit un lecteur et a été recopiée et lue à voix haute une fois. Le poème a donc remporté 1/3* + 1/3* + 1/3* = 1 * , puisque le poème n’a été lu qu’une fois en entier.

– La première partie des festins a adopté la forme générale du kukaï japonais (kukaï veut dire « rencontre poétique »). Lors de ce festin 9, c’est la première fois que les trois phases caractéristiques d’un kukaï s’équilibrent :
la contemplation des poèmes avec la lecture à voix basse
la lecture à voix haute des poèmes sélectionnés
et l’appréciation à plusieurs des poèmes élus (dire ce qui nous a plu, touché ou ce que l’on a compris au niveau de la forme comme du fond du poème choisi).

– Le festin 10 se déroulera le 19/5/18 autour du tanka japonais, grâce à Patrick Simon, spécialiste de poésie japonaise.
Le lendemain, nous (Martine Gonfalone Modigliani, Patrick Simon et moi-même) conduirons un kukai à la fête du livre de Gonfaron, le 20/5/18 de 10h30 à 12h, à la Maison du territoire. Nous vous y attendons nombreux !

Andréine Bel

Festin poétique 10, en mai 2018

L’Espace René Nonjon, Rue Grande, Les Mayons (83340) vous invite aux :

Festins poétiques 9, le samedi 19 mai 2018.

L’invité d’honneur est Patrick Simon (voir sa biographie).

De 18h à 22h, à la Bibliothèque Espace René Nonjon (rue Grande)

Le festin poétique se déroulera en trois parties :

– 18h-19h :
La rencontre : chacun apporte un poème écrit par lui-même et un poème d’un auteur qu’il apprécie, sur deux feuilles différentes et sans en indiquer l’auteur.

– 19h-20h :
Le tanka-prose, ou juxtaposition de prose et de poésie brève de forme tanka, existe au Japon depuis le 8e siècle. Patrick Simon fera un bref historique avec des exemples anciens et contemporains traduits en français. Puis il nous proposera un atelier d’écriture de récit sur un thème de notre choix qui utilisera cette forme littéraire.

– 20h-21h :
Le festin des nourritures terrestres que chacun aura amenées : tartes salées, sucrées, fruits, fromages, œufs, plats divers…

➡ Une rencontre de création de poésie courte (kukaï) sera animée par Patrick Simon, Martine Gonfalone-Modigliani et Andréine Bel le matin du 20 mai à 10h30 dans le cadre de la Fête du Livre à Gonfaron. Voir https://www.fetedulivredegonfaron.fr/programme-2018

Compte-rendu des Festins poétiques 8

Invitée d’honneur : Béatrice Machet
Animatrice : Andréine Bel
Nombre de participants : 11

Cette 8e édition des Festins poétiques a invité Béatrice Machet à l’occasion du Printemps des poètes sur le thème de l’ardeur. Elle a proposé le matin un atelier d’écriture basé sur les sensations corporelles pendant un exercice musculaire, et le soir une mise en voix, temps et espace des textes écrits le matin.

ATELIER DU MATIN

Il s’agissait en premier de s’allonger dos au sol, puis de contracter un par un nos muscles du côté droit, en allant des orteils jusqu’aux doigts. Puis, à la verticale, de sentir la différence entre le côté qui venait d’être activé et celui resté au repos. Même chose à gauche. Enfin, observer nos sensations dans le corps en entier.

Pour écrire, nous avions ces sensations du moment et les émotions suscitées, souvenirs, en vrac ou en suivant un fil, une histoire…

Enfin, chacun a lu à voix haute le corps de son texte (voir dans Partage 1).

1 – LA RENCONTRE

Conventions de transcription :

– Les * indiquent le nombre de fois qu’un poème a été lu à voix haute.
– Sont transcrits les poèmes qui ont au moins 1 *.
– Les poèmes élus ont au moins deux **.
– La partie lue par les participants apparaît en gras lorsqu’elle est extraite d’un poème plus long.

Nous avons élu 6 poèmes parmi les 10 lus à voix haute et les 22 contemplés.

***
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur

Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier

Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants

Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté

 Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
— Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur —
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

 Ô mon unique amour et ma grande folie

Guillaume Appolinaire, Si je mourais

***
Sur le feu comme sur l’herbe
Est allongée l’enfance
     Y tourner ses yeux
     Y porter ses mains
Là sous la tempe
Des constellations font battre le sang.

Béatrice Machet

***
Car tu peux mourir affamé de l’or de tes rêves

Vojka Smiljannich Dikich (Slovaquie)

**
Ardeur, ardoise, file la laine
Tracas projeté et secoué à terre
En morceaux éclats retenus prisme
Se jouant des reflets forêts, fête, foire, flot
En un point des deux poings élancés
Se rejoignent laissant l’abondance dans un corps étonné

Claude Bœsch

**
Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur.
Nos actes s’attachent à nous comme sa lueur au phosphore. Ils nous
consument, il est vrai, mais ils nous font notre splendeur.
Et si notre âme a valu quelque chose, c’est qu’elle a brûlé plus
ardemment que quelques autres.

Je vous ai vus, grands champs baignés de la blancheur de l’aube ; lacs
bleus, je me suis baigné dans vos flots – et que chaque caresse de l’air riant
m’ait fait sourire, voilà ce que je ne me lasserai pas de te redire, Nathanaël.
Je t’enseignerai la ferveur. 

 Si j’avais su des choses plus belles, c’est celles-là que je t’aurais dites
– celles-là, certes, et non pas d’autres. 

Tu ne m’as pas enseigné la sagesse, Ménalque.
Pas la sagesse, mais l’amour. 

André Gide, Les Nourritures terrestres, 1897

**
Il chemine au fond des mers
au fond du cœur au sommet des crêtes
l’homme incandescent

Andréine Bel

*
Suivre l’enclos par main qui traîne
Pied droit trottoir et l’autre caniveau
C’est poncer pourquoi non
La paume au hasard raboteux
Défaire les couches du voyage

Caroline Sajot Duvauraux

*
Réponds, réponds
Pourquoi la nuit
A-t-elle une voix d’homme ?

Catherine Mourmaux

*
Je me languis de desserrer les poings

Tansen Bel

*
O toison, moutonnant jusque sur l’encolure !
O boucles ! O parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans les profondeurs, forêt aromatique!
Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.

J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l’ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève!
Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :
Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse !
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

Baudelaire, la chevelure

2 – LE PARTAGE I

Il s’est organisé autour des textes que nous avions écrits le matin pendant l’atelier proposé par Béatrice Machet.

Nous avons mis nos textes en voix et en corps, au hasard des phrases et des mots qui se correspondaient et s’influençaient. La partition sonore et gestuelle, timide au début, s’est enhardie, a foisonné d’assonnances et dissonances, de jaillissements et d’effondremants avec de beaux mouvements d’ensemble qui ont donné quelque frissons à la poésie bien lisse d’antan, histoire de la dérider au présent.

Texte de Françoise Sayour :
Pourquoi être là, au-dessus ?
Me serait douce pourtant la rugosité
du sol sous mes pieds.

J’ai le bat qui cœur
J’ai le bat qui cœur
J’ai le bat qui cœur (ad libitum)

Picotements imperceptibles des chutes passées :
Neige, violence, douceur de mille d’étoiles, espoir.
Ne suis-je déjà à terre, enlisée ?
Le sable sous mes doigts file comme ma vie.

Main gauche.
Pourquoi gauche ?
Malhabile, mal à droite,
Contractée, décontractée
Apprendre, désapprendre
Illisible, impossible
Tenter, essayer, re-co-mmen-cer.

Où es-tu mon souffle ?
Je te retiens, brise légère, je garde ta place.
Peur du vide naturelle…
Mais tu reviens toujours !
Je res-pi-re… un peu…
Serrer les poings, te retrouver enfin !

Je ne me relirai pas.
Je ne me reli-e-rai pas.

Fils tendus du tableau de mon corps :
Muscles tirés, tissés, tressés,
malmenés.
Lissés, défaits, désâmés ?
Mon corps tremblant n’en fait
qu’à ma tête.
Serrer les poings, te retrouver enfin.
4 secondes.

Petit pilote, tu savais déjà où guider ma main…
Ne la lâche pas, l’enfance tombera.
Instabilité certaine, yeux mi-clos,
lumière diaphane…
Rouge… écarlate.
Kaléidoscope,…
… Endoscope de mes émotions.
Le sang afflue sous les haubans
des paupières.
Beauté de l’accident.

Texte de Catherine Mourmaux :
 

Texte de Claude Bœsch :
Ardeur, ardoise, file la laine
Tracas projeté et secoué à terre
En morceaux éclats retenus prisme
Se jouant des reflets forêts, fête, foire, flot
En un point des deux poings élancés
Se rejoignent laissant l’abondance dans un corps étonné

Texte de Tansen Bel :
La vague de contractions fait vibrer mes os oubliés. Des muscles rebelles se prennent pour des miroirs, incontrôlables. Ils imitent le club très sélect des muscles actifs. Ils s’organisent en douce, la lutte des classes fait rage dans mon corps. De leur côté, les travailleurs bandés et snobs s’épuisent à la tendinite et s’enfoncent dans le puzzle de la mousse granuleuse vert plastique du sol.

Mon cerveau, insensible à la révolution qui démarre plus bas, se glisse dans le noir paupières, la respiration calme fait comme si de rien n’était. J’en oublie le travail de mes poumons, la machine insatiable qui avale l’air, puis le laisse s’échapper après l’avoir plongé dans mes cellules mouvantes, infatigables.

Je me languis de desserrer les poings.

     Texte de Bernard Bel :
Impossible réalité de l’effort
Frustration de la raideur ARDEUR
Souffle coupé apprivoisé emprisonné
Et puis soulagement

(Ce qu’on voit en premier : les limites)

 Mes cours de natation
Plier, pousser, serrer
La bicyclette en quête d’équilibre
MÉCANIQUE

(Difficile de concilier le vivant et la logique)

Je renie l’animal
Pour retourner végétal
Sous l’écorce sensible

(Deux mondes en opposition : celui des êtres en mouvement et des êtres en contemplation)

           Texte d’Andréine Bel :
Couleurs enlevées une à une
le soleil tombe doucement
l’expir du solei sur la peau
le sombre comme une pommade
le noir nourricier
secret du ventre
la nuit rouge du corps et quelques éclats de nâcre
l’espace s’engouffre plus haut
est-ce un trou noir ?
un monde englouti ?
une chaussette retournée ?

3 – LE PARTAGE II

 

Béatrice Machet nous a proposé de pénétrer dans son atelier en nous présentant plusieurs facettes de son travail résolument contemporain.

D’abord l’aspect sonore : lecture de deux textes écrits pour être présentés avec un enregistrement de sons. Le premier : «Inondationville » illustre ses préoccupations écologistes tout en montrant l’imprégnation des cultures amérindiennes dans le paysage mental de l’auteure. Le deuxième : « Danselombre » est une pièce écrite pour une danseuse (Lydie Vadrot), d’après le mythe d’Orphée.

Puis Béatrice a lu un poème inspiré de l’histoire encore trop méconnue de 38 guerriers Dakota qui ont été exécutés à Mankato dans le Minnesota, malgré un traité de paix signé sept ans auparavant. Ceci sur l’ordre du président Abraham Lincoln, qui la même semaine avait donné sa liberté aux esclaves noirs. Texte illustrant l’implication et l’engagement de Béatrice vis-à-vis des populations Indiennes des USA (elle a traduit plus de 30 poètes contemporains Indiens d’Amérique).

Ensuite l’aspect visuel : Béatrice nous a montré et lu son livre d’artiste intitulé « le livre M », livre de 34x 50cm, de 26 pages comme autant de lettres de l’alphabet. Il est fait de bois et de liège, avec des fines pages de papier de bois, manuscrit et « enluminé » par ses soins en suivant la symbolique du langage des signes des Indiens d’Amérique du sud-ouest. De telle sorte que l’ouvrage renferme le poème en français et la signification « indienne ».

Enfin, une vidéo a été projetée, réalisée lors d’une résidence d’artiste dans le Jura, illustrant un travail poétique sur le thème du plissement.

4 – LA DEGUSTATION

Des plats délicieux, des couleurs à ravir…

QUELQUES POINTS

– Ce festin marque une ouverture vers la poésie contemporaine : comment l’approcher, comment s’y rendre sensible ?

L’occasion de l’atelier corporel nous a permis de relier nos sensations aux mots, ceux qui disent nos sensations/émotions/souvenirs/images, qui à leur tour font poème. Entrer dans la poésie par le corps…

– Samedi 21 avril 2018, le Festin 9 reprendra son format habituel en trois temps. Nous aurons pour invité d’honneur David Belmondo, directeur de la médiathèque du Cannet des Maures.

 

Festin poétique 9, en avril 2018

David Belmondo et Christophe Dal Sasso

L’Espace René Nonjon, Rue Grande, Les Mayons (83340) vous invite aux :

Festins poétiques 9, le samedi 21 avril 2018.

L’invité d’honneur est David Belmondo (voir sa biographie).

De 18h à 22h, à la Bibliothèque Espace René Nonjon (rue Grande)

Le festin poétique se déroulera en trois parties :

– 18h-19h :
La rencontre : chacun apporte un poème écrit par lui-même et un poème d’un auteur qu’il apprécie, sur deux feuilles différentes et sans en indiquer l’auteur.

– 19h-20h :
Le partage avec David Belmondo qui lira des poèmes de sa création.

– 20h-21h :
Le festin des nourritures terrestres que chacun aura amenées : tartes salées, sucrées, fruits, fromages, œufs, vins, plats divers…

David Belmondo

Né dans une famille de musiciens en 1971, comédien et metteur en scène depuis 1989, il joue les grands classiques, en France et à l’étranger, participe à des formes de théâtre de rue de très grand format avec la Compagnie Oposito notamment et met en scène les grands auteurs de théâtre : Marivaux, Ionesco, Sartre, Ghelderode, Jarry…

La mise en œuvre d’événements populaires de sens (festivals, rencontres artistiques, événements commémoratifs…) ou de formes théâtralisées pour les Villes d’Arts et d’Histoire, la mise en espace de formes musicales ou poétiques, lui font embrasser un très large spectre d’actions dans l’ensemble des pratiques du spectacle vivant.

David BELMONDO s’intéresse également à la pédagogie théâtrale et s’interroge sur les méthodes de passation des savoirs. Il développe avec des publics considérés comme atypiques des moyens d’aborder le spectacle vivant dans des cadres ludiques et structurants : populations en ré-insertions, autistes, psychotiques, quartiers populaires… le théâtre est pour tous et il tente d’en offrir ses richesses à chacun. Il est par ailleurs formateur pour de nombreuses structures institutionnelles et associatives : éducation nationale, universités, centre culturels, compagnies de théâtre…

Sa passion des mots l’emmène naturellement vers la lecture publique et il intègre le réseau des Bibliothèques de la Ville de Montreuil sous Bois en 2009. Il y mène notamment, dans les quartiers sensibles de la Ville, de nombreuses actions autour de l’écrit et de la lecture : du témoignage à la poésie, en passant par l’élaboration d’objets (livrets, calligrammes…) ou de prestations scéniques (petites formes, slam…).

Il devient en 2012 Directeur de la Médiathèque du Cannet des Maures et y met en œuvre un projet de service innovant autour des bibliothèques 3e lieu tout en assurant la direction culturelle de la Ville et la programmation du Festival du Chien Rouge.

Il crée en 2015 avec deux poètes (Richard BORNEMAN et Simon FERANDOU) « L’Étincelle », revue poétique trimestrielle aujourd’hui éditée par les éditions des Presses du Midi.

Depuis 2005, il dirige artistiquement et en parallèle de ses activités La Compagnie BAROK, organisatrice d’événements culturels et créatrice de concepts culturels.

Il continue à ce jour de mener au fil des rencontres et des projets, de nombreuses actions dans les domaines du théâtre, de la musique de l’écrit et de la pédagogie.

Festin poétique 8, en mars 2018

L’Espace René Nonjon, Rue Grande, Les Mayons (83340) vous invite aux :

Festins poétiques 8, le samedi 17 mars 2018, en lien avec le Printemps des poètes.

Ce festin poétique s’inscrit dans la 20e édition du Printemps des poètes, autour du thème de « l’ardeur ».
Aussi, exceptionnellement, il se déroulera en deux phases :
– de 10h à 12h à la salle des expositions
– de 18h à 22h à la bibliothèque Espace René Nonjon

L’invitée d’honneur est Béatrice Machet (voir sa biographie).

De 10 à 12h, à la Salle des expositions (en face du bar des Mayons, sur la gauche à l’entrée du village)

Atelier d’écriture à partir d’une préparation corporelle simple destinée à ce que les sensations perçues nourrissent l’imagination ou convoquent la mémoire sans que le mental ne soit impliqué, de telle sorte que les images seront traduites en mots, mots qui n’entreront pas dans la logique du discours ou de l’idée, mais bien du poétique.

Dans cette pratique il n’y a ni bien ni mal, il n’existe pas de : « il faut écrire ceci ou cela selon tel ou tel modèle ». Il n’y a que ce que le corps enregistrant sous forme de sensations et qui répond par l’expression. L’expression verbale est le témoin du flux passé par le corps, c’est le passage de ce mouvement d’énergie que l’on traduira : images, couleurs, comparaisons, souvenirs, rêveries, méditation… tout cela peut se trouver convoqué dans l’immédiat de l’exercice qu’il suffira de transcrire. En somme se connecter avec ce qui fait poésie en nous.

Les écrits produits pendant l’atelier seront ensuite partagés lors de la deuxième partie du festin.

De 18h à 22h, à la Bibliothèque Espace René Nonjon (rue Grande)

Le festin poétique se déroulera en quatre parties cette fois :

– 18h-19h :
La rencontre : chacun apporte un poème écrit par lui-même et un poème d’un auteur qu’il apprécie, sur deux feuilles différentes et sans en indiquer l’auteur. Ceci autour du thème retenu pour le Printemps des poètes, à savoir « l’ardeur ».

– 19h-20h :
Le partage 1 :  celui des écrits mis en gestes et en voix pendant l’atelier du matin avec Béatrice Machet.

– 20h-21h :
Le partage 2 : présentation par Béatrice Machet de son travail poétique en voix et en images, discussion avec le public.

– 21h-22h :
Le festin des nourritures terrestres, avec ce que chacun aura amené de délicieux à déguster ardemment : tartes salées, sucrées, fruits, fromages, plats divers…

Béatrice Machet

Auteure de dix recueils de poésie en français, deux en Anglais, traductrice des auteurs Indiens d’Amérique du nord ; également auteure et « bricoleuse » de nombreux livres d’artistes dont certains ont été exposés (au Carré d’art à Nîmes, à la Maison de l’artisanat d’art à Marseille). Elle performe, donne des récitals poétiques en collaboration avec des danseurs, compositeurs, bruitistes et musiciens, parfois même des plasticiens (vidéastes, peintres). Collabore à l’aventure de poésie sonore et performative Écrits-studio relancée à Lyon en automne 2016. Collabore également au projet “conversation in poetry” aux côtés du poète Australien Kit Kelen. Elle anime et produit des émissions de radio (Les Mots d’azur) consacrée à la poésie sur Radio Agora basée à Grasse.

Ayant vécu plusieurs années aux USA, elle a participé au programme de “creative writing” aux côtés de la poétesse Kate Daniels et du poète Rick Hilles, à l’université Vanderbilt de Nashville, Tennessee, Elle a passé trois ans et demi en Chine, ayant obtenu un “visting fellowship” de l’Université de Macao où elle a enseigné dans le programme d’écriture créative. Elle donne des conférences au sujet de la littérature des Indiens d’Amérique du nord, offre des master  classes (conservatoires de théâtre, universités), intervient en milieu scolaire.

Bibliographie

Titres parus :

– DIRE 1998 éditions Clapas avec une présentation de Patrick Joquel,
– TUNKASHILA UNSHIMALA YE (imprégnation peau-rouge ) 1999 éditions Clapas (avec enregistrement réalisé par les ateliers d’exploration harmoniques sur une musique originale du compositeur Jacques Dudon)
– J …. 1999, éditions L’Amourier
– EYE-LINER : 1999, éditions Clapas avec une post face d’Armand Olivennes.
– Anthologie Albanaise de poésie contemporaine Française, parmi 20 autres poètes, Deti i pakrehur, Onufri éditions
– DYPTIQUE : 2000 éditions Clapas avec un avant-propos d’Alain Jégou
– DE QUOI S’ETONNER ENCORE DE VIVRE 2000, éditions Encres Vives
– LES CAHIERS de L’Amourier : aspects de la poésie contemporaine des Indiens d’Amérique du nord. L’Amourier 2001
– DANS L’ATELIER D’HENRI BAVIERA 2001, galerie Le Garage : MDLC 2 place Auriol 83510 Lorgues.
– DEDICACE , éditions LA PORTE 2002
– PASSAGE AU MERIDIEN, aux éditions I.H.V 2003
– CANKU-CHEMIN livre d’artiste avec le peintre Gérard Serée, atelier Gestes et Traces 2002
– MUER recueil de poésie aux éditions L’Amourier 2003
– L’eau et le feu, dialogues plastiques, éditions Thésaurus coloris, 2003
– DVD exposition des œuvres de Violette Adjiman et poèmes de B. Machet par le Centre d’art SEBASTIEN (LB productions), janvier 2004
– TRIBUS 2005 Atelier Gestes et Traces livre d’artiste avec Gérard Serée
– Anthologie Tarabuste éditions, présentation de cinq auteurs amérindiens, revue triages numéro 18 été 2006
– LE FELO VA PARLER (à la manière des chants rituels amérindiens) 2007 Numéro spécial bilingue de l’Amastra-n-Gallar (revue d’Emilio Arauxo, Galice)
– LACERER éditions La Porte automne 2007
– DER de DRE éditions Voi, automne 2008, réédition octobre 2017, avec une partie supplémentaire
– Ouest-Nord-LAZA-Est-Sud (à la manière d’un conte amérindien) numéro spécial bilingue de la revue Amastra-n-galar 2009 (Emilio Arauxo, Galice)
– VENUS Rising, anthologie Ecossaise, R and R, 2009
– MARGE éditions IHV octobre 2009
– MELISMA éditions SD mars 2010
– PALE BRUME DU MENSONGE l’Espauventau 2011
– Pas d’ici pas d’ailleurs, participation à l’anthologie de poésie Féminine, Voix d’encre, septembre 2012
– TRANSPARENCE participation à l’anthologie des éditions Gisèle Sans, mars 2012
– M comme … livre d’artiste sélectionné pour l’exposition Marseille capitale culturelle Européenne 2013, (exposé à la Maison de l’Artisanat d’art à Marseille en 2013, au Carré d’Art à Nîmes en 2015)
– Mûr-murir dans l’anthologie rassemblée par Nasser Edine Boucheqif, éditions polyglotte
– Macao Grise épopée-Macao The Grey Epic (bilingue) ASM Press (février 2014)
– Duo de Gens-pierre, livre d’artiste avec le peintre Henri Baviera, 2014
– Les lacets, livre d’artiste avec le peintre Gérard Serée, atelier gestes et traces, 2014
– FOR UNITY -pour l’unité, bilingue, ASM Press, 2015
– Le Où et le Comment, les Cahiers du Museur, avec André Marzuck plasticien, 2015
– Ecrit-parlé : Entretien mené par Béatrice Machet avec Philippe Jaffeux, éditions Passages d’encre, 2016
– Salse sans pareille, les éditions du petit véhicule, 2016
– Du dernier souffle, éditions du Frau, 2017
– DER de DRE, éditions Voix, re-édition, octobre 2017
– La terre fendre, livre d’artiste, éditions Lieux Dits, avec le plasticien J.P. Brigaudiot, 2017
– On fait du neuf…, livre d’artiste dit « pauvre » avec Ghislaine Lejard, 2017

En collaboration sous le nom de Malibert (auteur au triple visage) :

– Tryptique pour un visage, éditions l’Harmattan, collection poètes des 5 continents, 2010
– Tu n’as pas de maison, éditions Encre Vive, 2010
– Démetterre, éditions l’Harmattan, juillet 2013

Traductions (entre autres) :

HUMORS AND/OR NOT SO HUMOROUS (humours plus ou moins comiques) du poète Mohawk Maurice Kenny aux éditions WIGWAM, juin 2001
– NO BORDERS (aucune frontière) du poète Abenaki Joseph Bruchac aux éditions VOIX, collection Vents contraires, parution mars 2002
– POUR IRON WOMAN de Diane Glancy (Cherokee) aux éditions Wigwam décembre 2006, poèmes
– CARTOGRAPHIE CHEROKEE de Diane Glancy aux éditions de l’attente avril 2011 ; proses poétiques et poèmes
– Je suis un Cut Up vivant autour de l’œuvre de Claude Pélieu, textes des auteurs de la Beat Generation tels que Gregory Corso, Charles Plymell et Victor Bockris, L’Arganier, 2002.
– Dossier 7 jeunes poètes de Nashville dans le numéro 20 de N4728, 2010
– Scriptorium anthologie, New York and Bees, deux poèmes par Rosalind Brackenbury, 2010
– Arbres et étoiles du poète Australien Kit Kelen, l’Harmattan, 2014
– Vent Sacré, anthologie des poètes contemporaines Indiennes d’Amérique du nord, rapéditions, 2014
– TRICKSTER CLAN – Clan du farceur, anthologie rassemblant 24 poètes Indiens d’Amérique du nord sur 3 générations, ASM PRESS, 2015

Et de nombreux dossiers consacrés aux auteurs Indiens d’Amérique du nord dans des livres d’anthologies ou dans des magazines littéraires (recours au poème, La toile de l’Un, Poésie et poétique, Place au sens, Triage, Phoenix, Parterre Verbal, Commentaire, mais aussi dans des magazines en Grande Bretagne aux USA comme Zoetic, Dawn magazine, Poetry etc.)

En cours d’édition :

– Anthologie, femmes résistantes, poètes Indiennes d’Amérique du nord, éditions Wallâda, octobre 2018
– Anthologie Regards croisés, douze peintres d’Amérique du sud et douze poètes françaises, sortie en juin 2018
– Attendu que (Whereas), traduction du recueil de Layli Long Soldier (Sioux Oglala), éditions Wallâda, 2019.
– Juste un mot, de Patrick Dubost, traduit en anglais pour ASM Press, 2018

Compte-rendu des Festins poétiques 7

Invitées d’honneur :  Sophie Quignard et Nicole Postaï
Animatrice : Andréine Bel
Nombre de participants : 14

Cette septième édition des Festins poétiques a invité Sophie Quignard et Nicole Postaï pour une rencontre poésie et œuvres plastiques.

1 – LA RENCONTRE

Conventions de transcription :

– Les * indiquent le nombre de fois qu’un poème a été choisi et lu à voix haute.
– Sont transcrits les poèmes qui ont au moins 1 * .
– Les poèmes élus ont au moins deux ** .
– La partie lue par les participants apparaît en gras lorsqu’elle est extraite d’un poème plus long.

Nous avons élu 7 poèmes parmi les 16 lus à voix haute et les 29 contemplés.

****
Au milieu de l’hiver
ses yeux étaient juillet

Tugrul Keskin

***
Vieilli, fourbu
Il cherche encore à s’appuyer
Sur l’épaule d’une rose

Yannis Ritsos (Grèce)

**
Vais-je m’endormir ? Dans mon lit,  je papillonne,
Il fait noir, un soir que le ciel aime, c’est vrai
Je vois la lune, elle chante, sa voix me plait,
Me réconforte lorsque seul, on m’abandonne.

Je ferme les yeux et, je n’entends aucun son,
Je les rouvre, et hélas mes sentiments s’emmêlent.
Je remarque sur mon bureau une boisson,
vide, comme mes pensées qui, enfin se taisent.

Soudain, je pense à toute ma journée, si dure,
Tous ces sentiments qui, séparés ne font rien,
Mais qui réunis, ne sont plus qu’un beau fruit mûr

Ce sentiment que tout être humain, sauf vauriens,
Apprécie et déteste, facile, difficile,
C’est l’amour et qui, hélas, ne tient qu’à un fil.

Maxence Boukellala

**
Je repose mes mains dans cette source
et mes mains sentent passer dans leurs veines
la musique du monde.

Patricio Sanchez (France/Chili)

**
Illicite vagabondage des choses,
que font-elles une fois nos paupières closes ?

Evidente proximité des distances
arc-boutées au fond de l’œil
en vapeur de lumière.

À force de se difracter,
l’Homme s’est cru multitude.

Est-ce moi, est-ce toi
qui habite nos corps ?

Le bleu du ciel, l’ocre du sable.
De quelle couleur est la ligne d’horizon ?

Vu du soleil l’homme n’est que spirales
même après sa mort.

Le sentier de l’exacte solitude
à mille chemins.

L’ancienne résolution de se croire
feu ou homme
s’est, elle aussi, achevée par un non-lieu.

Thierry Cazals, un matin de mai 1994.

**
[…]

Seule l’implosion de la pierre nous rejoindra dans ses demeures
J’ai le droit de l’aimer, sans rémission,
d’un pur silence.

Mes mains aussi,
familières des argiles.
Elles mûrissent à l’appel du présage,
orgueilleuses d’avoir su
qu’elles appartenaient à la même pierre.

 Et la pierre s’avance,
dans la crue de ses pépites,
sous les vivats des tempêtes !

[…]

Heureux comme les pierres
je voyage dans l’immobile
un prisme de liberté dans mes poches.

Voici les fleurs d’impatience.

[…]

Rémy Durand

**
Tu es l’espace qui s’élargit
Le vent en broussaille
La lumière frisée
Tu es l’amour sous la rocaille
Le lointain derrière le voile
L’arbre sur la colline nucléaire
Mon tapis de prière c’est ton ombre
Tu es la mer avec ses grottes
L’épaule de ses vagues
La soif de ses marins engloutis
Tu es le désir
Quand tu ouvres tes univers
Tu es ma louve bleue
Quand tu te donnes à l’éclaircie
Tu es la naissance
Quand tu fais fondre le désespoir
Par le mouvement de tes cheveux
Le vent du large de ta parole

René Barbier (fondateur du Journal des chercheurs)
dans la revue de poésie Le Matin déboutonné n°11

*
Jeune et fière tu étais
ma mémoire
Tu t’en vas et me laisses
transparent.

Marie Bagnol

*
Oui je t’aimais
oui mais

Serge Gainsbourg

*
Et l’amour toujours l’amour l’amour
le sixième continent comme une rose de folie.

Luc Vidal

*
Sauver la vie
C’est ne plus accepter la main tendue dans le vide
Les doigts écartés dans la vacuité du ciel
D’une humanité oublieuse
Sauver la vie
C’est ne plus croire à la montagne sans le soleil glissant dans sa nuque
C’est ne plus s’accommoder de la vague sans sa mousse crépitante
C’est en pleine conscience
Ne plus tolérer la parole sans les nappes fraternelles
Les champs d’ignames sans la pluie des poignées de main
Les carafes sans la fontaine des sourires
Sauver la vie
C’est ne plus supporter le pissenlit gracile
Sans la bouche de l’enfant qui le disperse
D’un seul souffle dans l’univers

Sauver la vie
C’est ne pas baisser les bras devant la finitude mutilée
C’est ne pas baisser les yeux devant la poisseuse fatalité
Devant le canot qui crève
Devant l’âme engloutie des chants premiers
C’est ne pas baisser la pensée devant l’étendard de la détresse
La bannière de la misère
C’est ne pas baisser le poème face à l’impuissance
Reculer devant l’oriflamme de l’adversité
Sauver la vie
C’est ne pas renoncer devant ce qui nous dérange
Devant l’épicentre de l’existence
C’est ne pas fuir devant le tir groupé de l’évidence
Devant la bête noire de celui qui hurle
L’épouvante de sa dernière heure

Sauver la vie
C’est ne plus confondre le rire de la faucheuse avec celui de l’enfance
C’est ne plus équarrir la plénitude
Disséquer le colibri
C’est ne plus dépecer la cohésion du monde
Séparer les lois de la bienveillance
Ni la faim de l’appétit
Sauver la vie
C’est ne plus déchirer la muqueuse du projet
Ni écraser la coque du désir
C’est ne plus arracher les pattes du cœur
Sauver la vie
C’est ne jamais consentir au redoublement des fautes
À l’abandon des utopies
Ni au démembrement des rêves

Sauver la vie
C’est poser l’éléphant et le gorille au-delà des barreaux
C’est retirer l’écharde de la peur
C’est démolir la peste des idées
C’est aspirer la poussière des croyances
Sauver la vie
C’est migrer vers un autre pan de son être
C’est partir vers un ailleurs plus proche de soi
Découvrir un archipel caché derrière les brouillards intimes
Parcourir la parcelle de notre démesure
Sauver la vie c’est entrelacer nos différences
Et se baigner dans l’eau de ce qui nous est commun
Sauver la vie
C’est prendre tous les risques
Pour préserver la tige de la sollicitude

Sauver la vie
C’est décliner l’invitation au bal fatal
Et s’inviter à la farandole du possible

Christophe Forgeot

*
[…]

Un crâne roulé de chars et de guerre lointaine.
Dans quel cri auras-tu le temps de ta mort ?
Nous manquons de point d’appui :
les regards nous étreignent comme gant trop petit.
On se perd : même chemin pourtant.
On se fuit : même solitude, immédiate.
C’est maintenant qu’il nous faut vivre
si nous ne voulons pas servir d’étendoir
aux pègres des canons.

[…]

Rémy Durand

*
À quatre heures du matin, l’été,
Le sommeil d’amour dure encore.
Sous les bosquets l’aube évapore
L’odeur du soir fêté.

Mais là-bas dans l’immense chantier
Vers le soleil des Hespérides,
En bras de chemise, les charpentiers
Déjà s’agitent.

Dans leur désert de mousse, tranquilles,
Ils préparent les lambris précieux
Où la richesse de la ville
Rira sous de faux cieux.

Ah ! pour ces Ouvriers charmants
Sujets d’un roi de Babylone,
Vénus ! laisse un peu les Amants,
Dont l’âme est en couronne.

Ô Reine des Bergers !
Porte aux travailleurs l’eau-de-vie,
Pour que leurs forces soient en paix
En attendant le bain dans la mer, à midi.

Arthur Rimbaud, Bonne pensée du matin

*
Il y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l’eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d’orgue dans les sentiers
Le navire du cœur qui tangue
Tous les désastres du métier

Quand les feux du désert s’éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme
des brins d’herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles
Le matin à peine levé
Il y a quelqu’un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
À travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées
Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte
Règle le mouvement et pousse l’horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent
Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons

Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
Tout ce qui s’est passé au monde
Et cette fête
Où j’ai perdu mon temps

Pierre Reverdy

*
Rien autre que le désordre de ce qui vibre et nous fait graves
pleins d’un désir de vent et d’eau

 Gilbert Renouf

*
[…]

Un dernier lyric
C’est trop tard
Ce trip à la con
J’en ai marre
J’voudrais plonger
Dans un ballon
Sans cauchemar
Sans cernes noires

[…]

Mü, Mauvaise langue

2 – LE PARTAGE

Présentation par A. Bel

Sophie, nièce de Pascal Quignard, sort de son antre pour la deuxième fois : ce n’est pas le moindre accomplissement des Festins poétiques. Une poésie des profondeurs, qui s’appréhende par la surface, la peau des choses.
Nicole Postaï a étudié aux Beaux-arts à Luminy, elle est paysagiste et céramiste.

Intervention

Le Festin 7 a dévoilé le travail de longue date, conjoint et autonome à la fois, des encres et constructions de Nicole Postaï à partir des mots de Sophie Quignard. Ce n’était pas gagné – la tâche était ardue – mais aucun des deux arts n’a englouti l’autre, les deux ont fleuri en s’éclairant mutuellement. Les installations se sont magnifiquement adaptées au lieu, et nous nous sommes promenés le long des chemins escarpés de l’art avec délice.

3 – LA DEGUSTATION

C’était bombance à Bizance, éclats de couleurs en ordre dispersé…

Quelques points

  • Les Festins ont pour mission de redistribuer les cartes : les poèmes ne révèlent leur auteur que lorsqu’ils sont choisis, lus et relus. Ainsi, les poètes renommés (cette fois : Mü, Rémy Durand et Christophe Forgeot) se frottent-ils aux poètes en herbe, ce qui donne un joyeux concert : il est toujours plus facile de jouer juste et grandir dans le pas des grandes pointures… Merci à eux pour leur partage ! Ils nous ont fait ainsi découvrir Gilbert Renouf, Luc Vidal, René Barbier…
  • Le prochain Festin aura lieu le 17 mars 2018 avec Béatrice Machet comme invitée d’honneur, pendant le Printemps des poètes. Elle lancera un pont entre poésie et danse : rencontre poétique gestuelle de 10h à 12h puis festin poétique de 18h à 21h.

Compte-rendu des Festins poétiques 6

Invitée d’honneur : Brigitte Broc
Animatrice : Andréine Bel
Nombre de participants : 12

Cette sixième édition des Festins poétiques a invité Brigitte Broc à dire, réciter et partager ses poèmes avec nous. Ceci avec la participation du peintre grand afficionado de poésie ayant illustré plusieurs de ses livres : Henri Baviera.

1 – LA RENCONTRE

photo

Conventions de transcription :

– Les * indiquent le nombre de fois qu’un poème a été lu à voix haute.
– Sont transcrits les poèmes qui ont au moins 1 *.
– Les poèmes élus ont au moins deux **.
– Pour les poèmes longs, la partie lue par les participants apparaît en gras.
– Je garde ici l’ordre chronologique de lecture des poèmes.

Nous avons élu 7 poèmes parmi les 18 lus à voix haute et les 24 contemplés.

***
C’est moi qui ferai le feu
Avec les fruits morts, les tiges
Avec le roux du ciel cru.

L’hiver,
C’est moi qui ferai le sentiment
Qui penserait qu’on s’est connu ?

Régine Foloppe-Ganne, Tributaires du vent

***
Un jour il faudra
Prendre avec les mains
De l’eau d’un fossé
Pour qu’en tombe une goutte
Au hasard du vent,
Sur un mur perdu
Entre bois et prés.

Edouard Glissant, Rites

**
Pour accomplir les amoureux rituels,
les amants y voient assez à la seule lueur de leur beauté
Et, si l’amour est aveugle
il s’accorde d’autant mieux avec la nuit

William Shakespeare, Roméo et Juliette

**
Notre destinée est celle de l’amour que l’ignorance de nous-mêmes jette dans l’oubli quand la vie entière de notre cœur se noie dans les coulées de la matière et n’épouse en leur attrait que miroitement.

Yvan Dimitrieff

 

**
Mousse et pierre froide
rien ne trouble la fontaine.
Quatre coups de cloche.

Fabien Tomatis

**
Je n’abandonnerai jamais,
Même si,
Un océan se dressait entre nous.

Naéma Ludècque

**
Yeux entrouverts
Odeurs de sommeil
À une distance de souffle
Nonchalance en sueur

Alexandra Galanou (Chypre)

*
Il y a quelque part un fleuve
refusant de se donner
à la mer. C’est le plus beau.
Pourtant il ne le sait pas.
Là est le simple, le mystère.
Depuis la rive je le vois
dans la distance annulée.

*
Ne pas dire,
dire la caresse, souffler la caresse,
souffler comme le vent l’indicible

Andréine Bel

*
Poésie, ô ma rose d’âme
Mon parfum, ma secrète flamme,
Pour te suivre, selon ton vœu,
Ma pensée, au soir, se dévoile
Et prend l’aile de l’oiseau bleu
Pour s’envoler vers ton étoile.

*
Les cailloux tremblent
les cailloux rient
se serrent dans le ressac
s’usent et se resserrent

Tintent dans ma poche
se déchiffrent à mes doigts
idée que je peux
entendre et toucher –

Lorand Gaspar

*
Mon amour, avant de t’aimer je n’avais rien;
j’hésitais à travers les choses et le rues,
rien ne parlait pour moi et rien n’avait de nom,
le monde appartenait à l’attente de l’air.

Je connus alors les salons couleur de cendre,
je connus des tunnels habités par la lune,
et les hangars cruels où l’on prenait congé,
et sur le sable l’insistance des questions.

Tout n’était plus que vide, et que mort et silence,
chute dans l’abandon et tout était déchu,
inaliénablement tout était aliéné,

Tout appartenait aux autres et à personne,
jusqu’à ce que ta beauté et ta pauvreté
ne donnent cet automne empli de leurs cadeaux.

Pablo Neruda

*
Je veux partir comme un oiseau
Dans un éclat de rire
Sans soupir et sans larme
Sans baiser

Bernard Bel

*
Pose l’été
Entre la menthe et ma peau.
J’ai seulement besoin
D’incliner ma chair
Un peu plus sur le vert.

*
Matin barbouillé –
une averse pianote
sur le toit mouillé.

*
Ce que je vois est une petite partie de ce que je regarde, ce que je regarde une petite partie de ce qui est à voir, et ce qui est à voir si vaste, que le pouvoir de mes yeux se perd, devant son immensité

*
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.

Charles Baudelaire, Le chat

*
Un papillon passe,
Vision éphémère.
Peut-être as-tu choisi cette enveloppe,
Pour nous revenir.

Naéma Ludècque

Deux poèmes qui n’ont pas été lus sur le moment par manque d’intelligibilité à première lecture, mais ils sont remarquables :

Mes jours s’en sont allez errant,
Comme, dit Job, d’une touaille
Sont les filetz, quant tisserant
Tient en son poing ardente paille :
Lors, s’il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains rien qui plus m’assaille,
Car à la mort tout assouvis.

François Villon – Testament

    Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
    En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
    Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
    Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.

    De ce blanc flamboiement l’immuable accalmie
    T’a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux
    « Nous ne serons jamais une seule momie
    Sous l’antique désert et les palmiers heureux ! »

    Mais la chevelure est une rivière tiède,
    Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
    Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.

    Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
    Pour voir s’il sait donner au coeur que tu frappas
    L’insensibilité de l’azur et des pierres.

    Stéphane Mallarmé  (1842-1898), tristesse d’été

     

    2 – LE PARTAGE

    Présentation de Brigitte Broc, par A. Bel et sous le regard d’Henri Baviera

    Brigitte est la poète des près et de la forêt. Henri cueille feuilles et ciels, ça tombe bien.
    Brigitte, le féminin sacré, Henri la terre des profondeurs. Leurs œuvres ne pouvaient que se rejoindre un jour.

    Intervention

    Brigitte a dit, déclamé, murmuré, hurlé, sifflé, avalé, étendu chaque mot de ses poèmes, comme un sucre d’orge, comme le vent pour nous coiffer, comme un matin de printemps qui toujours revient.

    Henri et Brigitte ont dit comment deux œuvres peuvent se rencontrer.

    3 – LA DEGUSTATION

    Gâteau oublié côté cuisine mais vite retrouvé et dévoré…

    QUELQUES POINTS

    – Prendre soin d’apporter chacun deux poèmes, courts ; pour cela, prendre le temps de les choisir, les recopier, les mettre dans sa gibecière et la renverser sur la table à l’arrivée… Veiller à écrire lisiblement, quitte à utiliser le script pour que chacun puisse déguster tous les poèmes proposés.

    – Nous avons réfléchi aux festins de demain, comment améliorer, remettre sur le métier, rendre à la fois pérenne et novateur ce qui structure les festins, ne pas nous laisser gagner par l’habitude et l’habilité.