Invitée d’honneur : Brigitte Broc
Animatrice : Andréine Bel
Nombre de participants : 12
Cette sixième édition des Festins poétiques a invité Brigitte Broc à dire, réciter et partager ses poèmes avec nous. Ceci avec la participation du peintre grand afficionado de poésie ayant illustré plusieurs de ses livres : Henri Baviera.
1 – LA RENCONTRE
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Conventions de transcription :
– Les * indiquent le nombre de fois qu’un poème a été lu à voix haute.
– Sont transcrits les poèmes qui ont au moins 1 *.
– Les poèmes élus ont au moins deux **.
– Pour les poèmes longs, la partie lue par les participants apparaît en gras.
– Je garde ici l’ordre chronologique de lecture des poèmes.
Nous avons élu 7 poèmes parmi les 18 lus à voix haute et les 24 contemplés.
***
C’est moi qui ferai le feu
Avec les fruits morts, les tiges
Avec le roux du ciel cru.
L’hiver,
C’est moi qui ferai le sentiment
Qui penserait qu’on s’est connu ?
Régine Foloppe-Ganne, Tributaires du vent
***
Un jour il faudra
Prendre avec les mains
De l’eau d’un fossé
Pour qu’en tombe une goutte
Au hasard du vent,
Sur un mur perdu
Entre bois et prés.
Edouard Glissant, Rites
**
Pour accomplir les amoureux rituels,
les amants y voient assez à la seule lueur de leur beauté
Et, si l’amour est aveugle
il s’accorde d’autant mieux avec la nuit
William Shakespeare, Roméo et Juliette
**
Notre destinée est celle de l’amour que l’ignorance de nous-mêmes jette dans l’oubli quand la vie entière de notre cœur se noie dans les coulées de la matière et n’épouse en leur attrait que miroitement.
Yvan Dimitrieff
**
Mousse et pierre froide
rien ne trouble la fontaine.
Quatre coups de cloche.
Fabien Tomatis
**
Je n’abandonnerai jamais,
Même si,
Un océan se dressait entre nous.
Naéma Ludècque
**
Yeux entrouverts
Odeurs de sommeil
À une distance de souffle
Nonchalance en sueur
Alexandra Galanou (Chypre)
*
Il y a quelque part un fleuve
refusant de se donner
à la mer. C’est le plus beau.
Pourtant il ne le sait pas.
Là est le simple, le mystère.
Depuis la rive je le vois
dans la distance annulée.
*
Ne pas dire,
dire la caresse, souffler la caresse,
souffler comme le vent l’indicible
Andréine Bel
*
Poésie, ô ma rose d’âme
Mon parfum, ma secrète flamme,
Pour te suivre, selon ton vœu,
Ma pensée, au soir, se dévoile
Et prend l’aile de l’oiseau bleu
Pour s’envoler vers ton étoile.
*
Les cailloux tremblent
les cailloux rient
se serrent dans le ressac
s’usent et se resserrent
Tintent dans ma poche
se déchiffrent à mes doigts
idée que je peux
entendre et toucher –
Lorand Gaspar
*
Mon amour, avant de t’aimer je n’avais rien;
j’hésitais à travers les choses et le rues,
rien ne parlait pour moi et rien n’avait de nom,
le monde appartenait à l’attente de l’air.
Je connus alors les salons couleur de cendre,
je connus des tunnels habités par la lune,
et les hangars cruels où l’on prenait congé,
et sur le sable l’insistance des questions.
Tout n’était plus que vide, et que mort et silence,
chute dans l’abandon et tout était déchu,
inaliénablement tout était aliéné,
Tout appartenait aux autres et à personne,
jusqu’à ce que ta beauté et ta pauvreté
ne donnent cet automne empli de leurs cadeaux.
Pablo Neruda
*
Je veux partir comme un oiseau
Dans un éclat de rire
Sans soupir et sans larme
Sans baiser
Bernard Bel
*
Pose l’été
Entre la menthe et ma peau.
J’ai seulement besoin
D’incliner ma chair
Un peu plus sur le vert.
*
Matin barbouillé –
une averse pianote
sur le toit mouillé.
*
Ce que je vois est une petite partie de ce que je regarde, ce que je regarde une petite partie de ce qui est à voir, et ce qui est à voir si vaste, que le pouvoir de mes yeux se perd, devant son immensité
*
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.
Charles Baudelaire, Le chat
*
Un papillon passe,
Vision éphémère.
Peut-être as-tu choisi cette enveloppe,
Pour nous revenir.
Naéma Ludècque
Deux poèmes qui n’ont pas été lus sur le moment par manque d’intelligibilité à première lecture, mais ils sont remarquables :
Mes jours s’en sont allez errant,
Comme, dit Job, d’une touaille
Sont les filetz, quant tisserant
Tient en son poing ardente paille :
Lors, s’il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains rien qui plus m’assaille,
Car à la mort tout assouvis.
Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.
De ce blanc flamboiement l’immuable accalmie
T’a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l’antique désert et les palmiers heureux ! »
Mais la chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.
Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s’il sait donner au coeur que tu frappas
L’insensibilité de l’azur et des pierres.
Stéphane Mallarmé (1842-1898), tristesse d’été
2 – LE PARTAGE
Présentation de Brigitte Broc, par A. Bel et sous le regard d’Henri Baviera
Brigitte est la poète des près et de la forêt. Henri cueille feuilles et ciels, ça tombe bien.
Brigitte, le féminin sacré, Henri la terre des profondeurs. Leurs œuvres ne pouvaient que se rejoindre un jour.
Intervention
Brigitte a dit, déclamé, murmuré, hurlé, sifflé, avalé, étendu chaque mot de ses poèmes, comme un sucre d’orge, comme le vent pour nous coiffer, comme un matin de printemps qui toujours revient.
Henri et Brigitte ont dit comment deux œuvres peuvent se rencontrer.
3 – LA DEGUSTATION
Gâteau oublié côté cuisine mais vite retrouvé et dévoré…
QUELQUES POINTS
– Prendre soin d’apporter chacun deux poèmes, courts ; pour cela, prendre le temps de les choisir, les recopier, les mettre dans sa gibecière et la renverser sur la table à l’arrivée… Veiller à écrire lisiblement, quitte à utiliser le script pour que chacun puisse déguster tous les poèmes proposés.
– Nous avons réfléchi aux festins de demain, comment améliorer, remettre sur le métier, rendre à la fois pérenne et novateur ce qui structure les festins, ne pas nous laisser gagner par l’habitude et l’habilité.
Bonjour, Merci pour ce compte-rendu et les textes présentés. Effectivement, Villon est difficile à l’oral mais c’est un régal… Cordialement, J-Louis Chartrain auteur de : Eclats de lune sur Verdun Haïkus & poèmes brefs sur 14-18 http://www.edilivre.com/eclats-de-lune-sur-verdun-2328c875b2.html Le cri du singe mouillé Haïkus & poèmes brefs sous la pluie http://www.edilivre.com/le-cri-du-singe-mouille-jean-louis-chartrain.html
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Meric pour ces mots, plonger dans les racines des racines, quel délice !
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