Compte-rendu des Festins poétiques 1

Les Festins poétiques organisés par la Bibliothèque municipale Espace René Nonjon (83340 Les Mayons), ont eu lieu pour cette première édition le 21 janvier 2017.

L’invitée d’honneur était Colette Gibelin (voir présentation)
Animatrice : Andréine Bel
Nombre de participants : 13.

Cette première édition des Festins s’est déroulée sous le signe de la découverte.

1 – LA RENCONTRE

Découvrir les poèmes écrits par les uns
mis en voix par d’autres
choisir ceux qui nous parlent
dont le parfum arrive jusqu’à nous

Conventions de transcription
– Les * indiquent le nombre de fois qu’un poème a été lu à voix haute.
– Sont transcrits les poèmes qui ont au moins 1 *.
– Les poèmes élus ont au moins deux **.
– La partie lue par les participants apparaît en gras.

Nous avons élu 6 poèmes sur les 26 contemplés.

****.
Sans cesse

Au vif de soi
S’amorce le poème

        Miroir de l’instant
        Fragment du désir
        Echo du cri

Andrée Chédid (1920 – 2011)

****
La mer dans la brume n’est pas un lac

Les feuilles mortes dans le vent
ne sont pas des oiseaux mais rien
ne m’empêche de le croire

Hamid Tibouchi, (1951)

***
Une fleur de cerisier

deux fleurs
sans cesse je pense à toi

Madoka Mayuzumi, (1962, ambassadrice du haïku en France en 2010).

°°°
Tressaillement du feu,

Ruissellement des émotions
dans l’échange des âmes
et la circulation du vivre

Colette Gibelin

**
Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
A coups de marteau
Mais ça m’est égal
Ça m’est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Une plume bleue
Un chemin de sable
Un oiseau peureux

Il suffit que j’aime
Un brin d’herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J’aurais toujours un peu d’air
Un petit filet de vie
Dans l’oeil un peu de lumière
Et le vent dans les orties
Et même, et même
S’ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
Où s’attarde un peu de sang
Je l’aime, je l’aime
La planche usée de mon lit
La paillasse et le châlit
La poussière de soleil
J’aime le judas qui s’ouvre
Les hommes qui sont entrés
Qui s’avancent, qui m’emmènent
Retrouver la vie du monde
Et retrouver la couleur
J’aime ces deux longs montants
Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir
C’est ma fête et je suis fier
Je l’aime, je l’aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête
Oh, je l’aime pour de bon
Il suffit que j’aime
Un petit brin d’herbe bleue
Une goutte de rosée
Un amour d’oiseau peureux
Ils cassent le monde
Avec leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon cœur

Boris Vian, « Ils cassent le monde »

**
Homme ! libre penseur – te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’univers est absent.
Respecte dans la bête un esprit agissant : …

Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d’amour dans le métal repose :
« Tout est sensible !  » – Et tout sur ton être est puissant !

Crains dans le mur aveugle un regard qui t’épie
À la matière même un verbe est attaché …
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l’être obscur habite un dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières
Un peur esprit s’accroit sous l’écorce des pierres !

Gérard de Nerval, Vers dorés

*
Un sourire ! Un beau sourire que l’on croise,
C’est tout un monde qui vient à vous. On a envie
de s’y appuyer et de laisser passer le temps.
Il réchauffe et habille notre solitude de satin
irisé, de velours voluptueux et de senteurs exquises !

Tertullie Robinel

*
Mon corps est en repos, mon âme est en silence,
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu’affaiblit la distance
À l’oreille incertaine, apporté par le vent.

Tertullie Robinel

*
Une brise légère
Un souffle de vie
En volant
M’effleurant furtivement

Michel Deshays

*
La nuit me fait de l’œil
Je lui ouvre mes bras
Et je compte ma peine

Michel Deshays

*
Dans la poussière
La chambre s’éveille au soleil
Un mur silencieux
[…]
Sur les carreaux verts
J’écris quelques mots d’espoir
Couverts de buée

Bernard Bel

*
Le bonheur glisse sur la neige
entre les étoiles
attente de cette brûlure

Andréine Bel

*
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s’écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.

C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine !

Verlaine, Ariette

*
Je veux chanter la vie
Et la joie de l’enfant
Puis ce grain en chaque heure
Peuplé d’existence
Mais la terre est un repaire de cadavres
Son ventre engloutit nos jeunesses et la fleur
La joie est une tête de clown
L’amour s’effrite à la pointe des heures
L’enfant
A déjà son visage de demain.

Andrée Chédid, Vie-mort

2 – LE PARTAGE
Colette Gibelin
Colette Gibelin

Présentation de Colette Gibelin, par A. Bel

« Je lance mon appel à tous ceux qui ont saisi l’infini dans la poussière des chemins. »
Colette Gibelin commence à écrire en 1954, à 18 ans. Elle fait ses études au Lycée Fénelon au Maroc, puis entre à l’ École Normale Supérieure pour devenir professeur de Lettres.
Son inspiration : Victor Hugo, Lecomte de Lisle, Hérédia, puis Baudelaire, Rimbaud, Éluard et Paul Valéry, quand il écrit : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ».
Chacun de nous est poète, nous rappelle Colette Gibelin.
Peut-être parce que, nous dit-elle, « écrire l’instant, c’est presque l’inventer. »
Son écriture est lyrique, mais il s’agit ici de lyrisme existentiel et critique, de « vénéneuse beauté du monde ».

Action

Aux Festins, pas moyen de faire semblant
Colette Gibelin en a fait la démonstration
sa poésie lyrique a suivi les sentiers ardus et lumineux
aériens ou souterrains, brûlants ou glacés –
négociation du vivant à l’œuvre
communauté de souffrance et d’espoir
que nous partagions au fil de sa respiration
comme un écho en nous

Voici les œuvres qu’elle nous a lues :

– Je partirai
Extrait de Errants Eldorados, éditions Encres Vives

– Frémissements de galets
– Une joie minérale
– La douleur minérale
Extraits de Vivante Pierre –  Cahiers de poésie verte

– Comme une brèche
– Déjà
Extraits de Eclats et Brèches –  éditions Clapas

p1000577– Soif et silence
– Braises rouges
– Emotions et couleurs
– Exubérance de la forêt
Extraits de Bleus et ors –  éditions Telo Martius

– Par tous ses pores
– Envolés les oiseaux
Extraits de Souffles et Songes –  éditions Sac à mots

– Juste le temps
Extrait de Dans le doute et la ferveur –  éditions Encres Vives

– L’amour parfois
– Stridence inlassable des cigales
– De nouveau le monde est à vif
– Et soudain c’est l’aurore
Extraits de Mémoires sans visages –  éditions du Petit Véhicule

– Parfois  – inédit

3 – LA DEGUSTATION

p1000557

La table s’est couverte de tartes, gâteaux, fruits
et même d’une soupe extra
tous plus délicieux les uns que les autres
occasion de faire connaissance, parler de la vie
de jardin, des livres, des auteurs…
avec une coupe de champagne pour fêter
les festins, les êtres et les mots
la fourchette et le stylo…

REMERCIEMENTS

Monsieur le Maire et son épouse se sont joints à nous un court instant pour accueillir les Festins ; merci à la Mairie qui a offert les boissons et l’impression des affiches.

QUELQUES POINTS

Pour donner une chance aux poèmes écrits par ceux qui les apportent d’être choisis puis élus, il faudrait que chaque participant vienne avec au moins un poème composé par lui, en plus de celui de l’auteur de son choix.

Certains poèmes mis sur la table étaient longs. Nous avons dû pour chacun d’entre eux sélectionner trois ou quatre lignes, les plus représentatives et qui formaient en elles-mêmes un poème. Un poème court peut tout à fait être extrait d’un poème long, il doit pouvoir simplement se dire en un souffle ou deux. Indispensable à ce type de rencontre poétique, le poème bref oblige à la concision.

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